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"N'AYONS PLUS PEUR DES MAUVAIS ÉLÈVES...", NOUS DIT SERGE BOIMARE

 
 N'ayons plus peur des mauvais élèves, c'est sur eux que repose l'espoir de remonter le niveau de l'école
 
Serge BOIMARE
12 décembre 2013
 
 
Voici des extraits qui ont fait écho à ma pratique professionnelle. Je rejoins particulièrement l'auteur sur le traitement de ces constats. 

Serge BOIMARE  a trois certitudes qu'il   soumet à notre jugement critique : 

  • l'école ne sait pas faire avec la difficulté d'apprentissage dès que celle-ci se montre sévère et résistante.
  • les besoins essentiels des élèves les plus réfractaires aux apprentissages, sont d'excellents tremplins pour améliorer la transmission des savoirs pour tous et pour favoriser le fonctionnement de la classe.
  • l'institution devrait beaucoup plus soutenir les professeurs  qui rencontrent ces situations paradoxales. Etre professeur avec des élèves qui ne reçoivent pas votre message et qui bien souvent le conteste et le dévalorise, est terriblement déprimant et déstabilisant. Cela fait rapidement perdre la confiance en soi, casse le plaisir de la transmission et oblige à des postures anti pédagogiques pour se protéger.
  1. Comment l'institution peut-elle prendre en charge ce soutien ?
  2. Pourquoi tolère-t-elle que des professeurs travaillent ensemble sans se réunir ?
  3. Comment le faire pour que cela reste compatible avec les budgets actuels ?

Serge BOIMARE présente ce qu'il appelle  " l'empêchement de penser " des élèves les plus réfractaires aux apprentissages. 

 
Même s'ils se présentent différemment, dans leur fonctionnement intellectuel, dans leur comportement en classe, dans leur façon d'apprendre et surtout de ne pas apprendre, ils ont toujours ce point en commun : écourter le temps de la réflexion. C'est à dire qu'à chaque fois qu'il doivent faire un retour à eux-mêmes, pour chercher, réfléchir, élaborer... parce qu'ils n'ont pas la réponse immédiate à la question posée, nous les voyons utiliser des moyens divers et multiples, pour réduire ce temps  essentiel de  l'apprentissage. L'agitation, le retrait, la provocation, l'auto dévalorisation, étant les moyens les plus couramment utilisés pour cet évitement.
 
En fait nous devons comprendre que ces troubles du comportement jouent un rôle protecteur pour ces enfants.
 
Ils sont surtout là pour les aider à échapper à la déstabilisation identitaire, provoquée par les contraintes de l'apprentissage qui remettent en cause leur fonctionnement habituel. Même si nous n'en percevons que les signes les plus superficiels, cette déstabilisation est plus profonde qu'elle n'en a l'air. Elle s'accompagne souvent d'un réveil de peurs infantiles, voire même parfois par l'arrivée d'angoisses archaïques chez ceux qui sont le plus en difficulté.  Ces infiltrations parasites  finissent par entraîner un dégoût de l'étude et une véritable peur d'apprendre.
 
Il va donc être nécessaire pour ces enfants de faire barrage à ce dérèglement et c'est ici que nous les voyons inventer des stratégies anti pensée de plus plus invalidantes pour l'apprentissage.
 
C'est ce scénario que  j'appelle «  l'empêchement de penser  ». Il représente pour moi la meilleure explication au blocage des enfants intelligents devant les savoirs de base.
 
 
La fréquentation des empêchés de penser est redoutable pour le professeur : les risques de contagion et de contamination sont réels.
 
- On ne peut pas impunément appauvrir le contenu de ses cours, simplifier son message et se voir encore contesté, sans en payer le prix.
 
- Le plaisir de la transmission repose pour beaucoup sur la stimulation de la capacité réflexive des élèves, sur la mise en route de leur questionnement, qui relance celui du professeur.
 
Comme avec les empêchés de penser ce ressort est cassé, parfois même, nous l'avons vu,  perverti et dénaturé, puisqu'il  favorise l'apparition de troubles du comportement dans la classe. Le métier prend alors une toute autre dimension. Le risque est grand pour le professeur, de ne plus être lui-même engagé dans l'activité de penser pendant ses cours. Il ne peut plus alors se montrer en modèle du fonctionnement intellectuel à ses élèves. Le ressort de l'identification, si important dans l'apprentissage est perdu, ce qui va encore compliquer la transmission.
 
C'est souvent ce qui conduit le professeur à se protéger pour survivre, derrière les défenses habituelles, que sont l'autorité excessive ou la démagogie.
 
 
Pour lutter contre ce risque  
 
- La seule solution est d'engager chaque professeur dans une réflexion régulière sur la pratique pédagogique.
 
- Elle devrait avoir lieu, chaque semaine dans chaque école et faire partie des emplois du temps.
 
- Il est quand même très étonnant de voir des lieux d'enseignement sensibles où la cohésion des adultes est indispensable, fonctionner sans temps de concertation  sur les pratiques pédagogiques, voire même sans temps de coordination des actions quand on est plusieurs à enseigner avec les mêmes élèves.
 
Au moment où l'on cherche à relancer la formation des professeurs, il y a pour moi à mettre en place une action prioritaire qui ne  coûterait pas chère :
 
- la co-réflexion entre professeurs.
 
- On ne peut pas faire mieux pour améliorer sa pratique pédagogique que de l'enrichir de celles des autres.
 
- On ne peut pas faire mieux pour trouver le plaisir d'enseigner que d'expérimenter à plusieurs et de se comparer.
 
- On ne peut pas faire mieux pour améliorer la cohésion groupale d'une classe difficile que de présenter aux élèves, le modèle d'adultes qui se concertent et se soutiennent.
 
Pour moi, la meilleure des formations, c'est la co formation, deux heures hebdomadaires devraient lui être consacrées dans l'emploi du temps de chaque professeur. Si un jour nous le faisons, il  sera alors facile de vérifier que l'heure de culture humaniste journalière  que je préconise pour les élèves, facilite ces rencontres entre professeurs et réactivent le plaisir de penser la pédagogie, même quand elle est mise en difficulté. 
 
- Je voudrais vous démontrer maintenant que les besoins des empêchés de penser pour se remettre dans le sens de la marche et se réconcilier avec l'école sont excellents pour tous, y compris pour nos meilleurs élèves car ces besoins n'ont rien à voir avec du rattrapage, ni encore moins avec un appauvrissement des savoirs puisqu'il s'agit :
 
1 - de nourrissage culturel
2 - d'entrainement à argumenter
3 - de savoirs qui prennent du sens et de la force en étant reliés aux questions humaines fondamentales.
 
Le rôle clef des textes fondamentaux :
 
Les textes fondamentaux qui sont au programme de toutes les classes, chez les grands comme chez les petits sont formidables pour l'exercice. C'est la botte secrète dont disposent les professeurs dans leur arsenal pédagogique.
            - Qu'il s'agisse de contes ou de récits mythologiques,
            - de textes fondateurs des religions ou des civilisations,
            - de romans initiatiques ou historiques,
            - Qu'ils prennent la forme de poésies ou de théâtre, de fables ou d'épopées ....
 
On peut toujours compter sur eux pour réussir à donner une forme et à contenir dans une histoire, ces émotions ou ces sentiments excessifs qui font disjoncter la pensée de certains.
 
Comme on peut compter sur eux aussi pour stimuler l'envie de savoir et l'intérêt pour la classe de nos meilleurs élèves.
Je conseille donc cette lecture des textes fondamentaux 15 à 20 minutes tous les jours.